Matinale de l'Ordre #23 : « CPTS : garantir une véritable coopération entre professionnels de santé et l’accès à des soins de qualité pour tous les Français »

29/03/2023

 


 

« CPTS : garantir une véritable coopération entre professionnels de santé et l’accès à des soins de qualité pour tous les Français »

 

 

Au travers de cette matinale, l’Ordre national des infirmiers souhaite ouvrir le débat et sensibiliser les soignants aux possibilités offertes par les CPTS « parce que c’est quelque chose qui est essentiel actuellement dans le débat sur les prises en charge et pour réduire les inégalités de santé. » (Patrick Chamboredon).  Cet échange est aussi l’occasion de démontrer que la coopération entre professionnels de santé fonctionne et permet d’offrir un accès aux soins de qualité pour tous les Français. Pour évoquer ce sujet, nous avons fait intervenir : 

 

Pour en parler et contribuer à la formation et la sensibilisation des infirmiers, nous avons fait intervenir : 

  • Patrick Chamboredon, Président de l'Ordre National des Infirmiers ;
  • Laetitia Carlier, Infirmière libérale, Coordinatrice de la CPTS du Bergeracois ;
  • Audrey Ferullo, Infirmière libérale, Coordonnatrice de la CPTS Aix-Sante-Victoire ;
  • Dr Martiel Olivier-Koehret, Médecin, Président de la CPTS de Luxeuil ;
  • Céline Raclot, Masseur-kinésithérapeute, Cofondatrice et Coordinatrice de la CPTS Sud-77. 

 

Sommaire :

  • La CPTS est source de dialogue, de confiance et de partenariats au service des patients
  • Quel regard porter sur l’avenir des CPTS ?

 

 

La CPTS est source de dialogue, de confiance et de partenariats au service des patients

 

Le Dr Martiel Olivier-Koehret, Médecin, Président de la CPTS de Luxeuil explique exercer dans un territoire rural qualifié de « désert médical ». De ce fait, les professionnels de santé de la zone (qui exercent dans 12 professions différentes) s’y sont « assez logiquement » retrouvés pour travailler sur l’accès aux soins et l’organisation pluriprofessionnelle, de manière à ce que tous puissent mobiliser leurs compétences pour répondre aux besoins des patients.

  • Il indique que l’un des avantages de la CPTS est de pouvoir ouvrir des coopérations professionnelles – tels que les protocoles pluridisciplinaires - plus larges que ce que l’on peut trouver dans le champ commun, donnant des exemples concrets : « Sur notre secteur, les infirmiers et les pharmaciens prescrivent des antibiotiques dans les cas d’angines et d’infection urinaire et informent le médecin pour qu’il soit au courant. »  
  •  Pour lui, l’enjeu est de mieux utiliser le haut niveau de compétences de centaines de milliers de professionnels de santé qui sont aujourd’hui sous-exploitées.  
  •  Le Dr Martiel Olivier-Koehret estime que la constitution des CPTS est issue d’un « texte fort » qui « nous confie la responsabilité sanitaire de la population » et que la communauté de Luxeuil est un lieu d’expression pour les professionnels.
  • Evoquant l’intégration des CPTS dans le système de santé du territoire, il ajoute que « l’ARS et l’Assurance maladie sont des partenaires au quotidien » avec lesquelles sa CPTS échange quotidiennement pour construire des dispositifs.
 

Laetitia Carlier, Infirmière libérale, Coordinatrice de la CPTS du Bergeracois, indique qu’il existe une présidence tournante au sein de sa CPTS afin que « chaque profession puisse avoir une mise en lumière ». Elle a d’ailleurs elle-même été présidente de sa CPTS avant d’en devenir la coordinatrice.

 

  • Elle insiste sur les avancées apportées par sa CPTS qui est implantée dans un véritable désert médical (que ce soit en médecine générale ou en spécialité). Elle a joué un rôle pionnier dès 2019 dans le développement de la télémédecine et de la téléconsultation et veut les étendre aux spécialistes aujourd’hui. La CPTS a aussi développé des actions de prévention, en travaillant sur les IST des jeunes, et en lançant un « village prévention » qui réunit 70 partenaires.
  • Tout comme le Dr Olivier-Koehret, elle estime que la CPTS « est un vrai lieu de communication pluriprofessionnelle » et qu’elle permet aux professionnels de se comprendre et de dynamiser leurs objectifs communs autour des patients. Dans cette optique, Laëtitia Carlier insiste sur le fait que le rôle de « coordinateur » est un « vrai métier, un vrai engagement » qui permet le bon fonctionnement des CPTS. 
  • Elle ajoute que sa CPTS travaille régulièrement avec les élus et les acteurs médicaux et médico-sociaux, car ce type de structure permet de porter la voix des soignants libéraux sur le territoire auprès des institutions. Elle permet aussi de diffuser des messages à un grand nombre de professionnels rapidement pour les mobiliser dans des actions communes au service des patients, comme durant la crise sanitaire. 

 

 

Céline Raclot, Masseur-kinésithérapeute, Cofondatrice et Coordinatrice de la CPTS Sud-77 indique que la taille de celle-ci (taille 4) « présente un enjeu en termes d’émulation territoriale » pour créer des projets communs entre des professionnels relativement éloignés les uns des autres. La CPTS a développé 12 groupes de travail et intègre dans son conseil d’administration des représentants des structures comme des EHPADs, des centres hospitaliers…

 

 

  • Sa CPTS a mis en place différentes missions telles que la structuration des parcours pour les patients de plus de 75 ans grâce à un protocole d’admission direct avec un centre hospitalier, le déploiement de protocoles locaux de coopérations grâce à des délégations aux infirmiers et pharmaciens, etc. Elle travaille avec la médecine scolaire sur « la prévention de la sédentarité des enfants, notamment sur la thématique des écrans. »
  • Céline Raclot rejoint Laetitia Carlier sur le rôle-clé que joue un coordinateur de CPTS et ajoute être à ce titre l’interlocutrice des institutions - avec qui elle indique avoir de bonnes relations - et la « fédératrice des professionnels ».
  • Selon elle, la CPTS permet « aux professionnels de se retrouver sous un entête de communauté » mais aussi « de se sentir soutenus, identifiés, impliqués » et apporte de nouvelles compétences grâce aux décloisonnements des pratiques et aux délégations de compétences. Elle souligne l’importance des CPTS pour l’attractivité d’un territoire auprès des professionnels de santé.

 

Audrey Ferullo, Infirmière libérale, Coordonnatrice de la CPTS Aix-Sante-Victoire, évoque la manière dont sa CPTS s’est dotée d’un projet de santé adapté aux caractéristiques de son territoire. Parce qu’elle était confrontée à une population vieillissante, sa CPTS a développé un parcours gérontologie et un parcours santé mentale « car ce sont les deux domaines prioritaires identifiés ».

 

 

  • Elle indique que la CPTS permet par ailleurs de travailler sur de nombreux sujets pour fluidifier les parcours de soin, avec par exemple un système d’adressage de soin géolocalisé, pour éviter d’emboliser certains services, notamment les urgences. La CPTS Aix-Sante-Victoire collabore ainsi avec de nombreuses structures médicales (hôpital, urgences,) et a créé un centre de soin non-programmé pour prendre en charge les urgences non-vitales. Elle explique que l’idée de la CPTS est de « travailler sur le fait d’avoir le bon patient, au bon moment, avec le bon soin et le bon professionnel ».
  • Elle insiste sur le fonctionnement transversal, non hiérarchique, apolitique et a-syndical de la CPTS. « C’est un changement de culture. On passe de l’individuel au collectif (…) pour améliorer la prise en charge du patient et aussi pour améliorer nos pratiques. »  
  • Elle insiste aussi sur l’importance du dialogue entre les CPTS car il permet de créer de l’entraide. 

 

Quel regard porter sur l'avenir des CPTS ?

 

Le Dr Martiel Olivier-Koehret, Médecin, Président de la CPTS de Luxeuil, explique que nous sommes face à un choix, celui de l’immobilisme versus celui de se réunir et laisser les initiatives se faire. Il insiste sur le fait qu’il faut que « le législateur et l’état laissent les mains libres » aux libéraux afin que chaque CPTS puisse mettre en place des initiatives en fonction de son territoire, des ressources, des besoins de la population, etc. Et que chaque professionnel puisse exprimer tout son potentiel.

 

Laetitia Carlier, Infirmière libérale, Coordinatrice de la CPTS du Bergeracois est également favorable à l’évolution et au développement des CPTS. « Il y a effectivement une attente des gouvernements à voir nos territoires couverts de CPTS » explique Laetitia Carlier tout en mettant en garde sur le fait de vouloir les développer trop vite car les professionnels ont besoin de temps pour monter ce type de projet. Elle plaide aussi pour « envisager l’avenir des CPTS en tant qu’institutions elles-mêmes. Il faut vraiment se projeter sur l’avenir des CPTS et ce que nous pourrons fait à l’intérieur pour ne pas devenir le fourre-tout de tout ce qui ne se fait pas ailleurs ». Au niveau local, elle estime qu’il faut continuer de développer cette zone de dialogue et laisser le soin aux professionnels de se fixer des objectifs pour qu’ils soient atteignables.

 

Céline Raclot, Masseur-kinésithérapeute, Cofondatrice et Coordinatrice de la CPTS Sud-77 estime que la CPTS est « la meilleure réponse possible » à des enjeux essentiels comme le vieillissement de la population médicale et que « les ordres professionnels doivent être promoteurs » des CPTS. Selon elle, « il est nécessaire que le législateur aille plus vite dans l’espace de liberté qui peut être donné aux CPTS pour répondre à leur mission » et « il faut donner plus d’autonomie et de moyens financiers aux CPTS ».

 

Audrey Ferullo, Infirmière libérale, Coordonnatrice de la CPTS Aix-Sante-Victoirese dit « en phase avec l’ambition de généraliser les CPTS en France car cela va permettre de mettre sur un pied d’égalité tous les territoires et d’éviter de laisser des patients en situation de rupture de soins ». Elle estime que l’accès direct « est légitime et nécessaire » pour favoriser l’accès aux soins.

 

Patrick Chamboredon conclut que ces exemples montrent qu’« il y a un besoin de partage de compétence et d’accès direct » et que « la collaboration entre les soignants quand ils forment une communauté, fonctionne »  Il a souhaité que l’échange contribue au débat public et  appelle à renforcer cet exercice coordonné, essentiel pour la santé des patients mais aussi pour le bien-être des professionnels.  Remerciant les intervenants, il rappelle enfin que l’Ordre continuera de faire la promotion de ce sujet qui peut permettre de garantir un accès aux soins de qualité sur l’ensemble du territoire grâce à une véritable coopération.