Avis du Conseil National de l’Ordre des Infirmiers sur l’extension des compétences vaccinales des infirmiers

 

Dès l’annonce de la vaccination anti-Covid, l’Ordre National des infirmiers a souhaité que la profession infirmière soit parfaitement intégrée au dispositif. Les infirmiers exercent un rôle clé dans la prévention et dans l’accompagnement des patients. Ils assurent aussi un rôle d’éducation et de sensibilisation, et sont ainsi en mesure de lutter contre l’hésitation vaccinale.

Pourtant, le 2 mars 2021, la Haute Autorité de santé (HAS) a rendu un avis autorisant les infirmiers à délivrer les vaccins anti-Covid mais pas à les prescrire. Cet avis proposait toutefois de donner le droit de prescription aux pharmaciens et aux sage-femmes (dont la vaccination ne fait pas partie du cœur de métier). Le texte publié par la DGOS reprenait cet avis. 

L’Ordre National des infirmiers a rédigé plusieurs communiqués de presse rappelant le danger d’exclure les infirmiers de la vaccination. 

Un nouvel avis de la HAS a confirmé la position initiale.

L’Ordre National des infirmiers a alors obtenu plus de 20 rendez-vous institutionnels sur le sujet et a publié une tribune dans le JDD avec France Assos Santé.

Sous cette pression, le Ministère a publié le 26 mars 2021, le décret 2021-325, qui modifie l’article R4311-7 du code de la santé publique et autorise les Infirmier(e)s à prescrire et à administrer les vaccins anti-COVID à toute personne (hors grossesse, troubles de l’hémostase, ou antécédents de réaction anaphylactique à l’un des vaccins ou à l’un de ses composants).

Conformément à l'article L. 4312-1 du code de santé publique, "L'Ordre National des Infirmiers veille à maintenir les principes éthiques et à développer la compétence, indispensables à l'exercice de la profession. Il contribue à promouvoir la santé publique et la qualité des soins". Il relève ainsi de la compétence de l’Ordre National des Infirmiers, de faire évoluer la profession tout en contribuant à la promotion de la santé publique.

La difficile reconnaissance de la place de l’infirmier dans la campagne de vaccination a démontré un réel besoin d’évolution de la profession infirmière. L’ordre a décidé de soumettre cette réflexion à la commission santé publique. La commission s’est réunie le 23 novembre afin de se positionner sur l’extension des compétences vaccinales des infirmiers.

 

I.       L’administration sans prescription médicale par les infirmiers des 11 vaccins obligatoires, des vaccins anti-Covid, antigrippe et HPV. 

Contexte : La crise sanitaire a entrainé un recul général de la couverture vaccinale de la population. Selon l’OMS, la pandémie de Covid-19 a entraîné un net recul des vaccinations chez l’enfant : « en 2020, 23 millions d’enfants n’ont pas reçu les vaccins de base dans le cadre des services de santé habituels, ce qui en fait le nombre le plus élevé depuis 2009 et représente une hausse de 3,7 millions par rapport à 2019 ». 

L’ANSM a également remarqué un fort retard de la vaccination en France durant la période du premier confinement de mars 2020. 

  • 6% pour les vaccins penta/hexavalents des nourrissons, 
  • 43% pour les vaccins anti-HPV, 
  • 16% pour le ROR 
  • 48% pour les vaccins antitétaniques la dernière semaine du confinement, cette diminution étant encore observée la semaine post-confinement.

 

Les contributions du Ségur de la santé rédigées par l’ONI affirment que 92% des infirmiers sont favorables à une permission de pratiquer tous les actes qui ne nécessitent pas de diagnostic (ex : vaccins). 56% y sont très favorables. Ce dernier chiffre s’élève à 61% chez les infirmiers libéraux. 47% de l’ensemble de la profession estime que c’est indispensable. 

 

La vaccination fait partie des missions infirmières telles que décrites dans le code de la santé publique. L’article R. 4311-1 CSP prévoit que : « L'exercice de la profession d'infirmier ou d'infirmière comporte l'analyse, l'organisation, la réalisation de soins infirmiers et leur évaluation, la contribution au recueil de données cliniques et épidémiologiques et la participation à des actions de prévention, de dépistage, de formation et d'éducation à la santé ».  

L’infirmier est habilité à effectuer les injections destinées aux vaccinations, qu’en application d’une prescription ou d’un protocole écrit, quantitatif, daté et signé conformément à l’article R.4311-7 du Code de la santé publique.  

Le décret n°2008-877 du 29 août 2008 a introduit un nouvel article R.4311-5-1 du Code de la santé publique qui autorise les infirmiers à procéder à la vaccination antigrippale sans prescription, ni protocole mais uniquement dans certains cas. Ce texte a été modifié par le décret n°2018-805 du 25 septembre 2018, qui est venu modifier les dispositions de l’article R.4311-5-1 du Code de la santé publique, pour élargir le rôle propre des infirmiers et autoriser ces derniers à effectuer la première injection du vaccin antigrippal sur certaines personnes selon des conditions d'âge et de pathologie prévues par décret. 

Les infirmiers sont habilités depuis le décret n°2021-325 du 26 mars 2021, à procéder à la vaccination anti-Covid sans prescription ni protocole médical. 

 

Depuis le décret n° 2021-1454 du 6 novembre 2021 relatif aux conditions de réalisation de la vaccination antigrippale par les infirmiers ou infirmières, les restrictions liées à l’existence de pathologies ont été supprimées.

 

Position de l’Ordre National des Infirmiers :

Au regard des faits énoncés ci-dessus et de l’importance de l’accès à la vaccination pour la population Française sur l’ensemble du territoire :

L’Ordre propose que l’administration sans prescription médicale par les infirmiers des vaccins anti-covid et antigrippe entre dans le droit commun.

L’Ordre propose que les infirmiers puissent administrer sans prescription médicale les 11 vaccins obligatoires et le vaccin HPV.

 

II.      Une priorité donnée aux IPDE concernant la vaccination des nouveau-nés et des enfants

Contexte : L’infirmière puéricultrice dispense des soins infirmiers adaptés à l’enfant, en tenant compte des dimensions biomédicale, socioprofessionnelle, cognitive, psychique, culturelle. Elle a pour missions de :

  • Prendre soin de l’enfant et de ses aidants naturels (parents, fratrie, tierces personnes) dans une approche holistique
  • Prévenir, maintenir et restaurer la santé de l’enfant par une continuité des soins
  • Favoriser l’autonomie, la socialisation et l’éveil de tout enfant (enfant différent)
  • Assurer la protection de l’enfant
  • Collaborer à la gestion administrative et financière des institutions
  • Faire de la recherche, former ses pairs et les professionnels de la petite enfance.

 

Selon l’Association Nationale des Puéricultrices(teurs) Diplômé(e)s et des Etudiants : « les IPDE sont les professionnelles les plus nombreuses en PMI, comparativement aux médecins et aux sage-femmes, et réalisent la majorité des consultations infantiles sous forme de permanences ou de visites à domicile. Ces permanences, en fonction des politiques locales, sont appelées consultations de puéricultrices et jouent un rôle majeur dans le suivi des familles et la prévention chez l’enfant de 0 à 6 ans ». 

Les membres des corps d'infirmiers qui sont affectés dans les établissements d'enseignement participent aux actions de prévention et d'éducation à la santé auprès des élèves et des étudiants. Ils assurent un accompagnement et un suivi personnalisé des élèves tout au long de leur scolarité.

 

L’Ordre propose que les infirmières puéricultrices soit positionnées de façon prioritaire, et sans prescription préalable, sur la primo vaccination des nouveaux nés et des jeunes enfants et qu’il en soit de même pour les infirmières scolaires dans leur champ d’intervention en milieu scolaire.

 

III.    La vaccination sans prescription médicale des IPA 

Contexte : L’infirmière diplômée qui exerce en pratique avancée a acquis des connaissances théoriques, et le savoir-faire dans le cas de  prises de décisions complexes, de même que les compétences cliniques indispensables à la pratique avancée de sa profession. Les caractéristiques de cette pratique avancée sont déterminées par le contexte dans lequel l’infirmière sera autorisée à exercer.

Le décret portant création des IPA précise que la pratique avancée recouvre :

- des activités d’orientation, d’éducation, de prévention ou de dépistage

- des actes d’évaluation et de conclusion clinique, des actes techniques et des actes de surveillance clinique et paraclinique

- des prescriptions de produits de santé non soumis à prescription médicale, des prescriptions d’examens complémentaires, des renouvellements ou adaptations de prescriptions médicales.

 

L’Amendement n°2350 adopté lors du PLFSS 2022, ouvre, à titre expérimental et pour trois ans, dans trois régions, aux infirmiers exerçant en pratique avancée (IPA) la primo-prescription pour des prescriptions médicales obligatoires, ce qui ne leur est aujourd’hui pas autorisé.

 

L’Ordre propose que les IPA soient positionnées de façons prioritaires sur les cas complexes de vaccination avec une autonomie et un adressage direct des patients.